La cartographie sensible : le guide complet pour comprendre et créer

Une carte routière vous indiquera le chemin le plus court, mais elle ne vous dira jamais où se trouve le banc public le plus ensoleillé, le passage qui sent bon le jasmin au printemps, ou le coin de rue où les habitants se rassemblent en soirée. Elle vous donne un itinéraire, mais elle ignore l’essentiel : l’expérience vécue.

C’est ici qu’intervient une approche radicalement différente, plus humaine et plus riche : la « cartographie sensible ». Bien plus qu’une simple représentation de l’espace, c’est un outil puissant pour révéler l’âme d’un territoire, en donnant la parole à ceux qui le vivent au quotidien. 

Chez Citynova, nous avons fait de cette démarche un pilier de notre engagement pour une ville plus humaine et durable.

Dans ce guide complet, nous allons plonger au cœur de cette pratique fascinante. Nous verrons ce qu’elle est, pourquoi elle est devenue un outil incontournable pour les projets à impact, et surtout, nous vous dévoilerons une méthode détaillée, étape par étape, pour que vous puissiez, vous aussi, commencer à révéler les richesses cachées de vos territoires.

Vous avez déjà un projet de territoire en tête ?

Citynova est une agence créative spécialisée dans l’animation d’ateliers participatifs et la création de cartes sensibles. Nous révélons la richesse et l’expérience vécue de vos territoires pour nourrir vos projets.

Qu’est-ce que la cartographie sensible ? (la définition de référence)

La cartographie sensible est une méthode innovante de représentation de l’espace qui vise à rendre visible la perception subjective, émotionnelle et sensorielle d’un lieu ou d’un territoire. Contrairement à la cartographie traditionnelle qui s’attache à l’objectivité et à la précision géographique, la cartographie sensible met en avant les ressentis, les souvenirs, les ambiances, les sons, les couleurs et les émotions vécues par les habitants, les usagers ou les visiteurs.

En bref, elle ne répond pas à la question « Où est cette chose ? », mais plutôt à « Comment vit-on cet endroit ? ».

Elle s’appuie sur une approche qualitative et participative, où chaque carte devient l’expression d’une expérience singulière, d’un parcours de vie ou d’un regard collectif sur un espace donné. Issue des courants de la géographie humaniste, elle reconnaît que nos environnements sont chargés de significations personnelles et collectives, une notion fondamentale explorée en détail par des références comme Géoconfluences.

Elle est un outil puissant pour comprendre l’espace vécu, révéler des enjeux invisibles et nourrir la réflexion sur l’aménagement, la médiation ou la transformation des territoires.

Visualisation de la cartographie sensible réalisée après l’analyse des ateliers de l’association Angela d.

Pourquoi et pour qui ? Les enjeux et les publics de la cartographie sensible

La cartographie sensible est bien plus qu’un exercice créatif. C’est un outil stratégique qui sert des objectifs concrets pour une grande variété d’acteurs.

  • Comprendre les perceptions et usages réels d’un territoire : C’est sa fonction première. Elle permet de recueillir les ressentis, les besoins et les attentes des habitants ou usagers pour orienter avec justesse des projets urbains, sociaux ou culturels. Là où des plans ne voient qu’un espace vide, la carte sensible peut révéler un terrain de jeu informel, un lieu de rencontre pour les aînés ou une zone perçue comme anxiogène.

  • Favoriser la participation citoyenne : C’est un formidable levier d’empowerment. En invitant les gens à partager leur propre vision de leur quartier, on implique activement les acteurs locaux dans la co-création de solutions. Le processus est aussi important que le résultat, créant du lien social et un sentiment d’appartenance.

  • Représenter des données immatérielles : Les émotions, les souvenirs, les ambiances, les sons, les odeurs, les récits de vie… Toutes ces données essentielles échappent aux cartes classiques. La cartographie sensible leur donne une forme, une existence visible, et permet de les intégrer dans une réflexion stratégique.

  • Déclencher le dialogue et la concertation : Une fois créée, la carte sensible devient un support de discussion et d’appropriation collective exceptionnel. Elle permet de mettre des mots sur des ressentis partagés, de confronter les points de vue et de construire un diagnostic commun, base de toute concertation réussie.

  • Valoriser la diversité des points de vue : Cette méthode permet de croiser les regards de différents groupes : habitants de longue date et nouveaux arrivants, enfants et personnes âgées, femmes et hommes, professionnels et usagers…. Elle met en lumière que le territoire n’est pas vécu de la même manière par tous, une donnée cruciale pour des projets véritablement inclusifs.

Cette démarche s’adresse aux :

Collectivités et urbanistes qui souhaitent intégrer la parole des habitants dans les projets de territoire, de la rénovation d’un parc à la refonte d’un plan de mobilité.

Associations, comités de quartier, établissements scolaires, artistes ou chercheurs impliqués dans des démarches participatives pour le diagnostic, la médiation ou la création.

Musées, centres d’interprétation ou institutions culturelles désireux de valoriser le vécu des publics, de créer des parcours de visite innovants ou de recueillir la mémoire d’un lieu.

La méthode complète : créer une carte sensible en 5 étapes

La réussite d’un projet de cartographie sensible repose sur une démarche structurée, une approche participative dont on retrouve les principes dans de nombreux outils pédagogiques, comme ceux proposés par le Réseau Canopé.

Voici notre démarche participative, basée sur la co-création et éprouvée sur le terrain : 

Étape 1 : Le cadrage – Définir le « pourquoi » et le « pour qui »

Avant de sortir un crayon, la phase de préparation est fondamentale.

  • Définir la problématique : Que cherche-t-on à comprendre ? S’agit-il d’analyser l’usage d’une place publique avant sa rénovation ? De recueillir la mémoire d’un quartier industriel en reconversion ? De comprendre le sentiment d’insécurité dans un parc ? Un objectif clair guide toute la démarche.

  • Délimiter le territoire : Il faut définir un périmètre précis. Est-ce une rue, un quartier, un parc, un bâtiment ? Un périmètre clair évite la dispersion.

Identifier les participants : Qui voulons-nous entendre ? Des jeunes ? Des commerçants ? Des familles ? La diversité des participants enrichit la carte. Il faut penser à la manière de les mobiliser et de créer un groupe représentatif et inclusif.

Atelier de cartographie sensible sur les lieux ressources avec l’association Angela d.

Étape 2 : L’animation des ateliers – La collecte participative

C’est le cœur du processus. L’objectif est de créer un espace de confiance où la parole peut se libérer. Plusieurs techniques peuvent être combinées :

  • Les parcours commentés (ou diagnostics en marchant) : Le groupe se déplace sur le territoire défini. Un facilitateur pose des questions ouvertes (« Que ressentez-vous ici ? », « Avez-vous un souvenir lié à cet endroit ? ») et les participants partagent leurs impressions en direct, qui sont notées, enregistrées ou photographiées.

  • Les ateliers en salle : Les participants travaillent sur un fond de carte vierge. À l’aide de post-its de couleurs, de gommettes, de feutres, ils « cartographient » leurs émotions (zones de bien-être, de peur), leurs usages (lieux de rencontre, raccourcis), leurs souvenirs (anecdotes personnelles) ou leurs perceptions sensorielles (zones bruyantes, lieux odorants). C’est le cœur de l’animation de séances de collecte de perceptions et de récits.

Étape 3 : L’analyse et la synthèse – Donner du sens aux données

Une fois les ateliers terminés, vous vous retrouvez avec une grande quantité de « données » qualitatives : des verbatims, des dessins, des photos… Le travail consiste à les organiser.

  • Regroupement thématique : On regroupe les contributions par grandes familles : « nature en ville », « insécurité », « lieux de convivialité », « bruit », « patrimoine oublié »…

  • Identification des récurrences : Quels sont les points qui reviennent le plus souvent ? Y a-t-il des zones de consensus (tout le monde aime ce parc) ou de conflit (cette rue est appréciée des jeunes mais détestée des seniors) ?

  • Révélation des « pépites » : Il faut aussi chercher les éléments singuliers, les anecdotes uniques qui donnent une couleur particulière au territoire et qui pourraient être des leviers de projet.
Cartographie sensible réalisée en collaboration avec le centre culturel La Villa Ganshoren et la Maison des Jeunes.

Étape 4 : La co-création graphique – Transformer les récits en image

C’est la phase de transformation des matériaux collectés en cartes sensibles. Le but n’est pas la précision, mais l’évocation et la communication.

  • Choisir un style graphique : Le style doit servir le propos. Sera-t-il un collage, un dessin à la main, une carte numérique interactive, une broderie ? La forme est porteuse de sens.

  • Définir une légende sensible : Les symboles ne représentent pas des objets (un banc, un arbre) mais des expériences (un cœur pour un lieu aimé, un nuage noir pour une zone anxiogène, des notes de musique pour un endroit sonore…).

  • Hiérarchiser l’information : Qu’est-ce qui est le plus important à montrer ? La carte ne peut pas tout dire. Il faut faire des choix pour que le message principal soit clair et impactant.

Étape 5 : La restitution et la valorisation – Partager la carte et agir

Une carte sensible n’est pas faite pour rester dans un tiroir. La manière dont elle est partagée est la dernière étape de la démarche.

  • Formes de restitution : Cela peut être une exposition publique, une publication dans un journal de quartier, une présentation aux élus, ou l’intégration dans un rapport d’urbanisme.

  • Support de dialogue : La carte devient un outil pour lancer des débats : « Êtes-vous d’accord avec cette représentation ? Qu’en pensez-vous ? ». Elle devient un véritable support de médiation et de concertation.

Aide à la décision : Idéalement, les enseignements de la carte doivent nourrir des actions concrètes : installer de l’éclairage dans une zone jugée peu sûre, ajouter des bancs dans un lieu de rencontre, créer un jardin partagé… C’est là que la boucle est bouclée et que la démarche prend tout son sens en tant qu’aide à la décision.

Célébration et présentation des résultats à la fin du cycle des ateliers de cartographie sensibles avec l’asbl Angela d.

Confiez-nous votre projet de cartographie sensible

Vous maîtrisez maintenant la théorie. Pour passer à la pratique et garantir le succès de votre démarche, l’expertise d’un tiers-facilitateur fait toute la différence.

Pourquoi choisir Citynova ?

Notre équipe réunit des designers, des médiateurs et des facilitateurs expérimentés dans la conduite d’ateliers participatifs, la synthèse graphique et la restitution créative des expériences vécues. Nous ne venons pas avec une méthode rigide, mais nous adaptons chaque démarche à votre contexte, vos objectifs et vos publics, pour produire des cartes sensibles qui font émerger l’invisible et nourrissent durablement vos projets. Notre approche est fondée sur la co-création, l’inclusion et la recherche d’un impact social et culturel concret.

Nous proposons deux modes de collaboration :

Animation d’ateliers sur mesure :
Nous concevons et animons pour vous les phases d’ateliers participatifs (étape 2) et vous aidons à analyser les résultats, vous rendant autonomes pour la suite.

Création de cartographies de A à Z :
Nous prenons en charge l’intégralité du processus, de la définition des objectifs à la création de la carte finale et sa restitution.

Notre étude de cas : La cartographie sensible de Neder-Over-Heembeek 

Le meilleur moyen de comprendre la puissance de cet outil est de le voir en action. Pour la commune de Neder-Over-Heembeek, nous avons mené une démarche complète de cartographie sensible afin d’impliquer les habitants dans la réflexion sur l’avenir de leurs espaces publics. Ce projet illustre parfaitement notre méthode, de l’animation des ateliers sur le terrain à la création d’une carte illustrée riche d’enseignements, qui sert aujourd’hui de support au dialogue entre citoyens et décideurs. Pour une immersion complète, découvrez l’étude de cas détaillée de notre projet à Neder-Over-Heembeek et voyez comment nous avons transformé les récits des habitants en une vision partagée pour leur quartier. 

Questions Fréquentes (FAQ)

Une carte mentale est généralement une représentation individuelle et hiérarchisée des idées d’une personne sur un sujet. Une carte sensible, bien que subjective également, est le plus souvent collective et spatiale. Elle vise à superposer les perceptions de plusieurs personnes sur un fond de carte d’un territoire réel, créant ainsi une vision partagée et localisée de l’expérience vécue.

Absolument pas besoin d’être un artiste ! Nos outils sont choisis pour être accessibles à tous : des fonds de carte simples, des feutres, des post-its de différentes couleurs, des gommettes… L’important n’est pas la qualité du dessin, mais la sincérité de l’expression. Pour la collecte, nous utilisons aussi des carnets, des dictaphones et des appareils photo. La magie opère dans la discussion, pas dans la technique.

Oui, tout à fait. Si la base est souvent une co-création sur papier pour favoriser le dialogue direct, le résultat final peut prendre de multiples formes. Nous pouvons digitaliser les éléments pour créer une carte numérique interactive où l’on peut cliquer sur des zones pour entendre des témoignages sonores, voir des photos ou lire des récits. C’est une excellente manière de partager les résultats avec un large public.

Dans notre vision et notre pratique, la dimension participative est essentielle. C’est le « co- » de « co-création » qui donne toute sa valeur à la démarche. Une carte dessinée par une seule personne à partir de ses propres ressentis est une œuvre personnelle, mais c’est la mise en commun et le dialogue entre les participants qui transforment l’acte de cartographier en un puissant outil de projet collectif.

Pour aller plus loin : explorer les références en cartographie sensible

La cartographie sensible est un domaine riche, à la croisée de plusieurs disciplines. Pour ceux qui souhaitent approfondir le sujet, voici une sélection de ressources fondamentales que nous vous recommandons.

  • La Référence théorique : Pour explorer la pensée critique et la philosophie derrière la représentation des territoires, l’œuvre du géographe-cartographe Philippe Rekacewicz est un point de départ essentiel. Son blog Visionscarto est une mine d’or d’articles et de réflexions sur le pouvoir des cartes.

  • L’Inspiration par la Pratique : Pour voir la diversité et la richesse des cartes sensibles réalisées sur le terrain, les travaux de la chercheuse Bénédicte Tratnjek sont une source d’inspiration formidable. Son portfolio, riche de nombreux projets, permet de visualiser concrètement ce que « l’expérience vécue » signifie en image.

Plus qu’une carte, un levier de transformation

La cartographie sensible nous rappelle que les territoires ne sont pas des surfaces neutres, mais des espaces tissés d’histoires, d’émotions et de relations humaines. En choisissant de révéler cette dimension invisible, vous ne créez pas seulement une carte : vous ouvrez un dialogue, vous renforcez le lien social, et vous vous donnez les moyens de concevoir des projets plus justes, plus inclusifs et plus durables. C’est un acte de reconnaissance de l’expertise d’usage de chaque individu.

Prêt à regarder votre territoire avec de nouveaux yeux ?

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